Le sang du foulard

Le sang du foulard

Au revoir les enfants: pensionnat et scoutisme...

La fraîcheur glacée

d'une enfance massacrée

 

Sorti en 1987 ce film atypique, à l'image du cinéaste qui l'a réalisé (lequel est décédé le 23 novembre 1995 à Beverly Hills), propose trois lectures: le drame des enfants juifs cachés, la chronique de la vie dans un pensionnat sous l'occupation, en 1944, et les souvenirs de l'enfance insouciante... Grâce au talent de scénariste, de metteur en images et de directeur d'acteurs qu'était Louis Malle, ces trois récits ne font qu'un sans la moindre anicroche. Les sujets s'imbriquent et se nourrissent les uns des autres. Aucune caricature, aucun "cliché" convenu: le jour et la nuit si l'on compare cette histoire forte à l'insipide amalgame narratif artificiel et maladroit de Christophe Barratier dans "sa" nouvelle (?) "Guerre des boutons" (2011). M. Malle ne faisait pas dans le consensuel ni dans le commercial papier glacé! Il a toujours eu quelque chose à dire... ...et à montrer.

 

Le fil conducteur, l'intrigue, "l'argument", le "conflit" comme disent les scénaristes, est l'enquête d'un garçon curieux de mettre à nu le secret de son compagnon de dortoir. Tel un Sherlock Holmes perspicace et futé, le jeune Julien va aboutir dans son enquête; son voisin de lit est donc un juif caché sous un faux nom - un faux catholique qui ne mage pas de porc. Cette trame tragique et cruelle a été vécue par Malle quand il était enfant. Mais le cinéaste a voulu aussi peindre objectivement et sans fard la vie insouciante de ses garçons en culotte courte et pèlerine, béret sur la tête, avec et malgré la guerre et l'oppression nazie... Contrairement au film de Barratier cité plus-haut, les éléments du puzzle narratif, bien que distincts, s'imbriquent naturellement et forment un tableau homogène.

 

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Même pendant la guerre, les enfants étaient des enfants; ils jouaient à la récrée, se provoquaient bêtement, les garçons parlaient sexualité - à leur manière -, plus ou moins travaillés par la chose. Jeux du foulard. Chasse au trésor dans la forêt en tenue scoute... Restrictions. Froideur de l'hiver. Alertes. Marché noir enfantin. Des images en décor naturel, aux couleurs froides comme le sol recouvert de neige gelée et le brouillard matinal. Le cinéaste dit avoir construit son scénario avec des souvenirs personnels, des anecdotes qui lui ont été rapportées et des éléments de son imagination. Il n'a pas tout vécu ce qu'il montre mais il aurait pu tout le vivre. C'est pourquoi, le naturalisme de la mise en scène aidant, la psychologie des personnages étant parfaitement maîtrisée, l'authenticité des détails irréprochable, ce film constitue un album d'images et de mots vivant jusqu'au bout des ongles. La vie enfantine y est si bien dépeinte que le film demeure intemporel: les garçons, y sont trop vrais pour être désuets et ressemblent beaucoup à "nos" garçons du XXIème siècle, culotte courte ou pas, avec ou sans béret, ! C'est donc un film qui ne vieillit pas.

 

Le regard humaniste et objectif du réalisateur ne charge ni n'épargne personne: les gamins sont méchants et imprévisibles, les adultes sont honnêtes et maladroits, le chef allemand, venu arrêter les enfants juifs cachés fait correctement son boulot, froidement, tout en restant un homme qui va s'attendrir sur des fillettes venues à confesse près de l'école... C'est du Malle. Honni soit qui Malle y pense!

 

Les interprétations sont toutes impeccables. Le petit Gaspard Manesse (Julien) y est prodigieux de crédibilité, incarnant sans jamais sur-jouer un garçon qui oscille entre la dureté et la sensibilité rentrée.

   

 



11/10/2013
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