Le sang du foulard

Le sang du foulard

Les aventures de la patrouille du Choucas LE SQUELETTE DE L’AVEN

 Roman feuilleton inédit

de

Rémi Le Mazilier

 

LE SQUELETTE DE L’AVEN

 

I

Trésor de guerre

 

Le camp de l’été dernier permit à la patrouille Libre du Choucas d’engranger une confortable trésorerie, pour le plus grand bonheur des six scouts et particulièrement pour la sérénité du trésorier, fonction exercée avec une rigueur incorruptible par le second de pat’ Wapiti têtu.  

 

L’origine de ce « trésor de guerre » quasiment fabuleux était directement liée à l’affaire dite « des Disparus de Baume Étrange », dont les lecteurs de cette première aventure rocambolesque se souviennent encore… Ce « fait divers », qui s’était donc déroulé au cœur de l’été (et non point en hiver ! comme aurait dit le « boute en train » Mouche), largement « couvert » par la presse régionale et nationale et même plus (le cul de pat’ Rémi, élevé au rang de bibliothécaire avait, grâce à de savantes investigations, réunies quelques extraits de journaux belge, allemand et même… suisse, qui avaient relaté cette énigme « juilletiste » unique en son genre et beaucoup plus originale que les « serpents de mer » estivaux habituels), ce fait divers disais-je, avait été « acheté clé-en-main » par « Paris Match », sous forme de récit et en exclusivité ! Avec l’assentiment des familles, le pactole avait été servi à la patrouille sous forme de dons, via l’association des Scouts de France à laquelle elle était rattachée avec le tutorat de Jacques Maurice, alias Hibou paisible.

 

Il ne fut donc point nécessaire de faire imprimer de coûteux calendriers pour ensuite aller les vendre, de porte en porte et à la sortie des grands-messes – au demeurant, deux des patrouillards étant enfants de chœur à Notre-Dame de Saint-Ange-sur-Rhône, les paroissiens auraient sans doute fait preuve de générosité, faisant éventuellement basculer leurs oboles dominicales de la corbeille aux calendriers ! A vrai dire, notre toute jeune patrouille libre, qui n’avait pas encore dû se plier à cette encombrante tradition, s’en trouvait fort aise… Il n’y eut guère que Mouche  qui, telle une abeille, aimait butiner de fleurs en fleurs, qui regretta quelque peu de n’avoir pas eu à solliciter M. Pierre Joubert, célèbre dessinateur du scoutisme, dont la notoriété n’avait pas éteint la pratique de la devise « Toujours prêt » à servir son prochain ; on savait, par le téléphone arabe et sans user du mors, que M. Joubert autorisait volontiers et gratuitement l’usage de ses illustrations pour la cause… « Ce sera pour l’année prochaine ! » avait consolé le CP Aigle fonceur. Ce à quoi l’insatisfait Mouche rétorqua que, peut-être, M. Joubert accepterait de croquer quelques dessins pour illustrer « les Disparus de Baume Étrange », puisque le cul de pat’ caressait le projet d’en faire un roman !

 

Mais revenons à nos moutons - ou plutôt à notre trésor de guerre. Grâce aux espèces sonnantes et trébuchantes (en fait un chiffre « avec beaucoup de zéros ») versées sur le Compte Courant Postal d’une troupe du département où Hibou paisible avait « la signature », les Choucas n’eurent aucune difficulté à alourdir les étagères du local par de nouvelles échelles souples en duralumin (les barreaux en duralumin car le câble, lui, qui était en inox, se devait de garder sa... souplesse), de quelques « calebasses » à carbure flambant neuf (qui enrichissaient la collection des lampes à acétylène achetées d'occasion), de cordes de montagne en nylon (le chic du chic), de « pitonaille » sous forme de mousquetons en alliage léger « Pierre Allain » et à vis inoxydable « Claudius Simond » et de pitons de toutes les dimensions, d'un colossal (peut-être un peu trop) réchaud tripatte pour le maître queux et de quelques menus accessoires utiles et gratifiants. De plus, la réserve d’argent permettait toutes les folies (ou presque) en matière de financement des camps ! Même que le facétieux Mouche se compromit par cette plaisanterie d'alcoolique: « On pourra faire des repas au Champagne! »

 

« A quand le prochain camp ? » s’était inquiété Rémi, la recrue de l’été dernier et qui avait conquis « son totem » à l’automne, lors de sa promesse dans le cadre d'un petit camp aux vacances de la Toussaint, qui s'était tenu du 1er octobre (départ après la messe) au 4 octobre (retour à la veille de la rentrée).

 

Le cul de pat’ avait engagé le processus de réflexion durant les vacances de Noël. Au préalable, les Choucas avaient retrouvé l’esplanade de Baume Étrange, haut-lieu de leurs exploits, au mini camp d’automne, mais non pour y « crapahuter » dans les entrailles de la terre – le Sial, comme se plaisait à dire Renard bavard, liturgiste et cuisinier de la patrouille mais aussi grand causeur devant l’Éternel : fort en sciences naturelles, chimiste amateur aux expériences enflammées et fumeuses parfois même explosives, passionné de géologie et de paléontologie, instruit en botanique et en entomologie (liste non exhaustive), Renard aimait à rebaptiser les choses. Et pour le lecteur qui veut le suivre dans ses maniaqueries de langage, je précise que l’on appelle « sial » la croûte terrestre (ou plutôt on appelait, car ce terme n’était déjà plus d’usage), soit les quelque 10 à 20 kilomètres d’épaisseur de la « peau d’orange » qui enveloppe notre bonne vieille terre… Qu’avaient donc fait nos Choucas dans le cirque de Pré-les-fonts ? me demanderez-vous. Tout simple : enthousiasmés par leur initiation aux fouilles archéologiques sous l’égide de M. H. - qui exigea que les scouts l’appelassent de son prénom Arsène -, initiation entamée dès après « l’Affaire » et qui avait vu le triomphe du petit Mouche quand il y découvrit la première dent percée (un pendentif?) d’ours des cavernes (« Ursus spelaeus ! Monsieur, Ursus spelaeus ! » rectifierait Renard), les Choucas avaient « remis ça » pour leur camp de la Toussaint. Ayant dressé leur tente à six places sur la petite prairie du Pra toujours arborée du mât aux couleurs, sans le vieux marabout à matériel cependant car toute l’intendance de ce camp « court » avait été rassemblée sous l’esplanade des grottes, la patrouille libre s’était entièrement donnée aux fouilles de ce cher Arsène… Il y fut récolté une assez copieuse moisson de débris de poteries, silex taillés, fragments d’os de gros gibier, autant de vestiges du Mésolithique au Néolithique ancien (entre 7000 et 5000 ans avant J.-C.) ; la fameuse brosse à dents de Mouche y fit des merveilles et y perdit quelques poils !

 

A Pâques, un camp avait été organisé dans le sud de l’Ardèche, sur les fantastiques plateaux calcaires creusés par la rivière du même nom. Aigle, en concertation étroite avec Renard, le « savant (fou?) de service », avait concocté pour ses patrouillards un « grand jeu » sur le thème de la préhistoire et de la géologie. Ils avaient campé sur un terrain privé d’une ferme « amie » du curé de Bourg-Saint-Andéol, située à proximité de Bidon, merveilleux petit village planté au cœur des garrigues et du thym, écrasé de soleil, fleurant bon la pierre tiède et la Provence. Surtout, oui, surtout, cette « basse Ardèche » était (est toujours selon mes informateurs) un haut lieu de la spéléologie, truffé de grottes et « avens » (ces trous que les gens du Vercors appellent « scialets », souvenez-vous), extravagant jardin minéral (avec ce bon calcaire urgonien qui est aussi la roche chérie des Choucas dans le massif du Vercors - Hibou disait qu'il en mangerait bien en tartine -, pays de la chèvre et des oliviers, de vignes et de gorges aux parois abruptes, des baignades en rivière à « trous » (d'eau) et aux galets glissants générateurs de « bleus » sur les éminences charnues

 

Ce camp de Pâques avait été dix jours d’aventures inoubliables !

 

Outre de fabuleux souvenirs et beaucoup d'ecchymoses « de galets de rivière », la patrouille libre de Saint Ange avait rapporté de son séjour en Ardèche méridionale l’idée de son camp d’été. Le « karst » ardéchois, terrain propice à la prospection spéléologique, offrait l’opportunité de découvertes nouvelles, de « premières » et, en tout cas, de merveilleuses et sportives explorations souterraines. Grâce au curé de Bourg-Saint-Andéol,  lui-même spéléologue (eh oui, la noire soutane n'interdisait pas l'usage du bleu de chauffe pour faire des intrusions dans les « soupiraux des enfers » !)  on avait la garantie d’aller aussi dans des endroits inaccessibles aux touristes dans le fameux Aven Marzal, somptueuse cavité aménagée par M. Pierre Ageron, éminent pionnier des profondeurs ; de plus, le fermier de Bidon se faisait un plaisir d’accueillir de nouveau la patrouille… Au camp de Pâques, Mouche pas-touche, qui n’avait cessé de fureter entre chaque chêne vert, derrière chaque buis ou genévrier, sous chaque caillou (enfin, presque !), avait repéré un début d’aven, profond de seulement trois mètres mais dont on pouvait espérer, après extraction des tonnes de cailloux qui l’encombraient, qu’il permît d’accéder à quelque réseau inconnu. L'espoir fait vivre, dit-on, et nos scouts sont toujours prêts... à y croire!

 

De plus, notre espiègle Mouche avait une qualité indéniable: le pouvoir de persuasion.

 

Cet « aven » obstrué était donc élu, à l’unanimité, l’objectif numéro 1 du grand camp annuel ! Rémi lui avait trouvé un nom: l'Aven du Poulet... Étrange patronyme me direz-vous ! La raison en est ici: le soir du jour de la découverte de ce trou tentateur, la patrouille avait fait rôtir un poulet à la broche sur un feu de bois à proximité dudit trou dont on se demandait, entre la poire et le fromage, comment il fallait l'appeler.

 

Ce programme plut beaucoup au parrain de la patrouille qui adorait la basse Ardèche ; Hibou paisible, le grand amateur de farniente au soleil qu’il était, aimant tiré nonchalamment sur le tuyau de sa pipe de bruyère dont le fourneau était aussi noire qu’un vieux poêle de cent ans d’âge, se voyait déjà, lors de ses futures visites « domiciliaires » à ses protégés, paressant à l’ombre d’un chêne vert, bercé par le chant des cigales et enivré d’odeur de thym…, et accessoirement, d'une quantité « raisonnable » de vin rouge de pays.

 

Naturellement, le CP et régisseur Aigle, le second de pat’ et infirmier Wapiti, le liturgiste et cuisinier Renard, Panthère le messager également liturgiste, Mouche, le second cuisinier et boute en train et… le cul de pat’ Rémi (son totem vous sera révélé à votre prochaine visite), bibliothécaire et assistant du régisseur, aucun membre de la patrouille libre du Choucas ne pouvait prévoir ce qui les attendait dans l’aven prometteur.

 

…Et la nouvelle aventure extraordinaire qui les guettait au cœur des riantes garrigues ardéchoises !

 

La suite sur ce lien... 

 

© Rémi Le Mazilier 2018 

Une page Facebook est dédiée à ce roman: sa genèse, une documentation iconographique, le "making off", ses petits et grands secrets...

 

 



 

 



11/06/2018
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