Le sang du foulard

Le sang du foulard

Feuilleton épisode 9 : Compte à rebours

 La partie VIII est sur ce clic

 

IX

Compte à rebours

 

 

 

Le premier jour des vacances d’été, le jeudi 29 juin, tous les membres de la patrouille s’affairaient à boucler les sacs, fermer les malles, vérifier que le matériel rassemblé dans le mastaba correspondait à la liste que le CP avait minutieusement rédigée… Le second de pat’ avait pour mission de s’assurer que chaque scout partirait avec tous ses effets personnels indispensables. Renard, « l’enfant de chœur de Notre Dame » comme se plaisait à le dénommer Wapiti quand il parlait de lui à Rémi, était le cuisinier de la troupe, secondé dans cette tâche ô combien essentielle par le petit Mouche ! Ce dernier prenait sur lui de garantir que rien ne manquerait de la batterie de cuisine : gamelles, plats, poêle à frire, louche, écumoire, spatule, cuillère à pot, sans oublier l’ouvre-boîte et le décapsuleur. Chacun devait apporter sa petite vaisselle personnelle ; Rémi, accompagné par Renard, avait acheté à La Hutte du chef-lieu le nécessaire du « parfait scout », muni d’un budget conséquent octroyé par sa mère. Un vieux sac à dos Lafuma, éculé et un peu troué, lui était prêté par Aigle. Sa tenue serait donc l’ancien uniforme du CP, déjà utilisé à l’occasion du repérage du début du mois ; tenue assortie (et embellie) d’un ceinturon tout neuf avec son couteau scout « le poignard » dans sa gaine de cuir ! Pataugas et sifflet « deux tons » en laiton chromé complétaient le tout nouvel équipement individuel du novice. « Tu garderas le béret ! » avait décidé le CP, à propos de la coiffe ancienne de louveteau qu’il lui avait prêtée. Rémi était content de conserver ce béret cousu sur le devant d’une tête rouge de petit loup flanquée de deux « étoiles ». Habillé d’une culotte et d’une chemise trop amples et coiffé du béret trop étroit enfoncé sur le crâne comme un carcan, le novice se savait drôle et cela l’amusait ! En entrant dans la patrouille des Choucas, le jeune garçon s’était découvert un caractère d’amuseur qu’il avait sans doute un peu bridé jusque-là… Sa mère elle-même ne le reconnaissait déjà plus ! Au collège, ses camarades écarquillaient les yeux devant les facéties de Rémi, ses mots drôles, ses initiatives étonnantes… - autant de traits qu’ils ne lui avaient pas connus jusque-là. Même certains profs en firent remarque. « Il est scout ! » avait « dénoncé » un gamin à la cantonade, comme si ce titre expliquait ce changement. « C’est vrai ? » avait demandé le prof. Toute la classe avait tourné ses regards sur Rémi. « C’est très bien ! » avait jugé l’enseignant. Et les camarades de la bête curieuse le toisèrent avec ce qui semblait être de l’envie… A la récréation, on s’agglutina autour du « scout », l’interrogeant, s’attendant à quelque révélation sur les rites et usages que l’on attribuait à ces garçons en uniformes. « Tu fais ta prière avant chaque repas ? – Tu couches dehors ? – Tu fais caca sans t’essuyer ?  Tu allumes du feu avec un bâton, comme les hommes de Cro-Magnon ? – Tu te baignes tout nu dans la rivière ? ». Rémi ne pouvait savoir s’il s’agissait d’une inquisition moqueuse, malveillante ou simplement taquine…

 

Deux semaines de préparatifs avaient permis de répartir les tâches équitablement et de prévoir jusque dans les moindres détails l’organisation matérielle du camp. Rémi avait été l’adjoint de Mouche pour l’achat de provisions alimentaires non périssables. Le novice, promu « intendant » avec l’aide temporaire de Wapiti, devait s’assurer que rien de ce qui était nécessaire au campement fût oublié ; il marquait d’une croix chaque ligne de la liste dressée par le CP concernant le campisme. Wapiti lui fit découvrir le matériel et lui apprenait à en contrôler l’état, avec ordre d’en signaler au CP les défectuosités, lesquelles étaient mentionnées à la craie sur un tableau noir. Wapiti gardait la main sur la totalité du matériel de spéléo et d’escalade (abondant en cordes, mousquetons et pitons) – responsabilité qui lui avait fait revendiquer le grade de « Grand quincailler » !

 

Le précédent week-end, la patrouille avait bivouaqué à « ciel ouvert » sur un pan herbeux isolé au pied du donjon en ruine du château médiéval de Cornillane, en belvédère sur la vallée du Rhône. Sous un ciel étoilé de bande dessinée, Rémi avait goûté pour la première fois au bonheur de la veillée sous une demi-lune, entouré de murailles séculaires flanquées d’ombres mystérieuses. A la lueur d’une lampe à pétrole, sans feu de bois pour ne pas alerter le voisinage, les Choucas s’étaient gavés de courts récits épouvantables… Rémi avait évoqué avec un talent de conteur remarqué la terrible histoire de la Bête du Gévaudan, drame historique narré dans son livre de chevet du moment. Le dimanche, le nouveau fut initié à la varappe. Une paroi assez facile de quelque dix mètres de hauteur, mini falaise riche d’aspérités, peu exposée, lui permit de faire bonne figure sans avoir à révéler son vertige. Le jeune garçon se rendit compte que le fait d’être « bien assuré » grâce à une corde fixée autour de la taille, gommait quasiment toutes ses appréhensions. Cette expérience, qu’il trouva magnifique, lui ouvrit les yeux sur ses nouvelles capacités ! Son humeur et sa fougue joyeuses, avec ses blagues fréquentes, avaient fait dire à Mouche qu’il y avait en lui un futur « boute-en-train ». Au retour au repaire de la côte Saint Martin la patrouille avait été accueillie par leur parrain – un Hibou paisible qui avait consacré sa journée à réparer du matériel, guidé par les alertes du tableau noir…

 

La suite ici… 



28/02/2015
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