Le sang du foulard

Le sang du foulard

Feuilleton épisode 10 : Objectif aventures

Episode IX sur ce clic

 

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Objectif aventures

 

 

Le samedi 1er juillet, sous un ciel pur et d’un bleu profond, la Patrouille Libre des Choucas installait son campement sur la plate-forme herbeuse qui surplombait Le Pra. Venus en vélo d’une seule traite, arrivés en fin de matinée, les scouts de Saint-Ange y avaient retrouvé la « deudeuche » de Hibou - une « 2 CV » pleine comme un œuf qui semblait ne plus avoir de suspensions ! Son propriétaire, assis en tailleur en bordure de la petite prairie sur un coin de sol rocailleux, seul mètre carré ombragé de l’endroit (des buis de faible hauteur composaient l’unique végétation des lieux), fumait paisiblement sa bouffarde coudée, les yeux cachés par des lunettes noires, des perles de sueur sur le visage. Il était vêtu de sa tenue de scoute SDF, avec le foulard de son ancienne troupe : rouge avec liseré blanc, qui étaient les « couleurs » du Comté historique ; un chapeau quatre-bosses éprouvé par le temps était posé près de lui.

 

Deux troncs de sapins écorcés gisaient sur l’emplacement. « L’abbé Gerland a tenu sa promesse ! » avait fait observer Hibou ; le curé de Pré-les-Fonts, durant la rencontre de la sortie de repérage, s’était engagé à faire monter depuis la scierie du village le futur mât du camp. « J’ai fixé une poulie et un crochet à drisse » annonça Hibou, qui avait ainsi mis à profit son avance sur la patrouille. « Brave Jacquot ! fit Wapiti en lui tapant sur l’épaule, toujours à travailler pour les Choucas ! ». Jacques Maurice s’était mis à tourner la mèche qui pointait sur le devant de son crâne, en protestant contre le compliment du scout et se réfugiant derrière sa modestie habituelle. « C’est pas grand-chose ! » avait-il répondu. « La drisse, c’est la corde », avait cru bon de préciser Wapiti à l’intention du novice. « C’est pour l’étendard ? – Ah, non ! Pour le drapeau français… On ne hisse pas l’étendard, jeune homme ! – Mais on peut le fixer sur le mât à une hauteur moins élevée que le drapeau tricolore… » avait poursuivi Hibou. Rémi se réjouissait de devoir participer au « lever des couleurs », un cérémonial qui lui conviendrait - bien qu’il n’avait pas jusque-là ressenti de brûlants élans patriotiques. « Ça se passe comment ? – Ça, tu le verras demain matin…» avait conclu Hibou, bien décidé à régler le sort du mât au plus vite !

 

En début de soirée, le mât était levé avec sa drisse au milieu de la prairie… Une tente canadienne  de six places au jaune délavé, (achetée d’occasion trois ans plus tôt) occupait le coin le plus herbeux de la prairie. Le marabout de « surplus américain », avec son mât central en bois, matériel lourd et encombrant qui avait « plombé » la « deux pattes », faisait bande à part en bordure de maquis. Sa toile épaisse, trouée et rapiécée grossièrement, serait l’abri officiel du gros matériel de camp : malles, le « matos » spéléo et d’escalade, l’outillage, la batterie de cuisine et les provisions ; on y entreposait aussi les sacs à dos de la patrouille et les vêtements pour les explorations souterraines. Il était prévu comme lieu de repli en cas de pluie ou de grand vent. Un coin « feu » avait été sommairement aménagé par Mouche et Rémi, avec les matériaux qui jonchaient le sol : pierres plates et petits blocs calcaires. 

 

Tandis que la lune pointait son disque entamé pour sa course vers son dernier quart, au-dessus des falaises de Pré-les-Fonts, un feu généreux crépitait au cœur du campement, encerclé par la patrouille libre des Choucas et leur parrain avec son inséparable bouffarde. L’assemblée était joyeuse et volubile. Un dîner tardif avait été hâtivement concocté par Renard tandis que Mouche avait mis tout son art à confectionner le feu de camp. Il n’y avait pas de gros morceaux de bois dans les environs et c’était avec de maigres branchages de buis morts que le petit Mouche avait rempli sa mission. Le CP décida de solliciter dès demain les gens du pays pour rassembler une réserve de bûches (la grand-messe dominicale se prêterait à cette démarche). La nuit était douce et il n’y avait pas de rosée. De simples chandails posés sur les épaules préservaient de la petite fraîcheur nocturne. La journée avait été rude et laborieuse, à tel point que les scouts n’avaient même plus le courage de gagner la tente. Hibou exprima le projet de dormir à la belle étoile (le ciel était piqué de constellations scintillantes). Néanmoins, le sol plutôt rocailleux ne se prêtait guère à une couche à ciel ouvert ! Le seul morceau de tapis herbeux habitable avait accueilli la tente-dortoir ; le vétéran se résigna. « Si tu mets un matelas sur ce terrain, tu le condamnes à vie ! » avait opiné Wapiti.

 

On discuta du programme des prochains jours. Ce dimanche, pour sûr, dès après le repas de midi, la patrouille irait « reconnaître » la partie non aménagée de Baume Étrange, un fameux « Réseau des Soupirs » au nom si prometteur ! Les scouts-spéléos, encouragés par Robert Leblanc, décidaient à l’unanimité que la « désobstruction » du Réseau des Soupirs serait l’objectif premier de leur séjour à Pré-les-Fonts…

 

Le CP invita le « liturgiste » (fonction dévolue à Renard) à clore la veillée par une courte prière « d’action de grâce » ; Rémi demanda spontanément à ce que cette mission soit confiée ce soir à Panthère, « l’enfant-de-chœur-de-Notre-Dame », car il avait hâte de le voir « à l’œuvre » sur le registre spirituel qui était le sien ! Renard lui céda sa place volontiers. Debout sous les étoiles, les sept scouts, la tête découverte, unirent leur cœur à remercier Dieu pour cette magnifique et prometteuse journée d’installation. On étouffa le feu sous la conduite de Mouche puis, avant d’aller satisfaire aux nécessités naturelles, sous l’impulsion du CP, les Choucas firent retentir leur « cri de patrouille », qui se répercuta jusqu’aux falaises voisines !

 

« Chjak-chjak-chjack ! s'écria le CP...

...Tchoucas-tchoucas-toujours-alerte ! » répondit le reste de la patrouille.

 

La tente à six places refusant obstinément à ne pas recevoir sept dormeurs, Hibou paisible s'installa finalement sous les étoiles, un matelas de fortune confectionné avec les « bleus» de mécanicien, combinaisons d'explo de la patrouille... 

 

La suite sur ce clic...

 

 



05/03/2015
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